/HEBDO-PRESSE/- Les éditeurs de presse du Canada, qui emploient 3000 journalistes d’un océan à l’autre, croient que la liberté d’expression, la liberté journalistique et un écosystème médiatique fort, sain, commercialement viable et résolument indépendant sont tous essentiels à notre démocratie.
Les Canadiens comptent sur leurs journaux et leurs médias d’information pour être leurs sources d’information de confiance, les aider à faire des choix éclairés et demander des comptes aux personnes et aux institutions, y compris les gouvernements et les entreprises.
Nous espérons que les parlementaires feront front commun et prendront des mesures significatives pour lutter contre les discours de haine et d’autres types de contenus préjudiciables en ligne, tout en veillant à ce que la liberté d’expression et le libre débat soient reconnus, préservés et protégés.
Nous sommes parmi les principaux défenseurs de la liberté d’expression dans le pays. Parallèlement, en tant qu’employeurs, nous nous efforçons d’offrir à nos journalistes un environnement de travail sûr, sain et inclusif. En tant qu’entreprises qui fournissent des informations et des analyses, nous nous efforçons également de protéger nos clients : le public qui lit les informations qu’on publie et s’engage avec nous et nos autres lecteurs. Nous sommes à l’écoute de nos clients. Nous prenons au sérieux nos responsabilités envers eux et envers le grand public. Nous essayons de construire un meilleur avenir pour nous tous. Et nous sommes responsables autant pour nos actions que pour notre inaction.
Le secteur des médias d’informations reste menacé par les médias sociaux et les fournisseurs de services de communication en ligne non réglementés et non contrôlés. De plus, nos journalistes et nos lecteurs sont constamment confrontés à des préjudices en ligne. Demandez à n’importe quel journaliste et il vous dira que la critique fait partie du métier. Et ce, à juste titre. Mais la haine, le harcèlement et les préjudices en ligne et physiques ne devraient pas l’être. Ils proviennent de la droite, de la gauche et de toutes les tendances intermédiaires, et les victimes sont trop souvent des femmes et des journalistes racisés.
Nous sommes unis pour soutenir nos journalistes et nos salles de rédaction contre ceux qui cherchent à les réduire au silence et à menacer leur sécurité. Ensemble, nous continuerons à plaider pour des réponses à l’échelle du secteur afin de mettre fin à ce comportement.
Dans le monde entier, les journalistes subissent des atteintes physiques, judiciaires et en ligne. Outre le harcèlement individuel, les journalistes sont confrontés à des campagnes de diffamation sophistiquées visant à les discréditer. Ces menaces, et leur impact potentiel sur la liberté d’expression des journalistes, ont des conséquences néfastes pour la société dans son ensemble.
Les conclusions d’une publiée par l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) et le Centre international pour les journalistes (ICJF) sur la violence en ligne à l’encontre des femmes journalistes sont alarmantes : 73 % des femmes interrogées ont déclaré avoir subi des violences en ligne ; 20 % ont déclaré avoir été attaquées ou maltraitées hors ligne lors d’incidents déclenchés en ligne ; et 41 % ont déclaré avoir été la cible d’attaques en ligne qui semblaient liées à des campagnes de désinformation orchestrées.
L’impact de cette violence sur la santé mentale donne à réfléchir : 38 % ont dû s’absenter du travail temporairement, 11 % ont quitté leur emploi et 2 % ont complètement abandonné le journalisme. Elle a également un impact sur les pratiques journalistiques et l’engagement du public : 30 % des journalistes s’autocensurent sur les médias sociaux, 20 % se contentent de « diffuser » et évitent toute interaction, et 10 % évitent de s’intéresser à certains sujets.
Comme les éditeurs de presse, les plateformes en ligne selectionnent le contenu. Elles bénéficient de tous les avantages liés au statut d’éditeur, mais à des conditions beaucoup plus favorables sur le plan commercial. À l’heure actuelle, cependant, elles n’ont pas les mêmes responsabilités et ne sont pas tenues de rendre des comptes comme le sont les éditeurs de presse au Canada. Au fait, elles ont permis aux « fake news » et à la désinformation de proliférer dans le monde entier, et elles en ont largement profité.
Les Big Tech ont une obligation sociétale de modérer ces activités, tout comme n’importe quel éditeur de presse. Aux États-Unis, l’article 230 de la Communications Decency Act les exempte de toute responsabilité en cas d’hébergement de contenu généré par les utilisateurs et de toute responsabilité lorsqu’ils choisissent de retirer ce contenu. Cependant, les entreprises mondiales opérant au Canada sont soumises à la loi canadienne et doivent se comporter en conséquence.
Comme les annonceurs le savent, ces entreprises disposent de moyens techniques considérables et extrêmement sophistiqués. Pourquoi alors ont-elles manqué à leur devoir de modérateur de contenu et permis que des contenus préjudiciables visant des journalistes soient amplifiés sur leurs plateformes ?
Par principe, nos journalistes devraient bénéficier des mêmes protections dans le monde en ligne que dans le monde hors ligne. Par conséquent, nous recommandons que le gouvernement du Canada reconnaisse explicitement les menaces en ligne contre les journalistes directement dans la législation. En même temps, les plateformes en ligne doivent agir de manière responsable. Premièrement, celles-ci doivent réagir aux rapports de harcèlement des éditeurs de presse et des journalistes dans les 24 heures. Deuxièmement, elles doivent investir dans des technologies permettant de détecter la haine en ligne contre les journalistes. Troisièmement, elles doivent détailler les préjudices en ligne contre les journalistes dans leurs rapports de transparence. Quatrièmement, elles devraient être tenues responsables en vertu des lois canadiennes sur le libelle, la diffamation et la haine, tout comme le sont les éditeurs de presse canadiens. Cinquièmement, elles devraient être soumises à des sanctions économiques lorsqu’elles ne respectent pas les lois canadiennes. Enfin, les plateformes devraient faire en sorte qu’il soit difficile pour les trolls de l’Internet de « profiter » de la monétisation du contenu qui nuit aux journalistes.
En tant que société, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour protéger l’expression démocratique, mais cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas protéger les journalistes. Tous les éditeurs, y compris les intermédiaires Internet, doivent être tenus responsables des contenus préjudiciables. Les éditeurs du Canada supportent leurs journalistes, qui ne seront pas réduits au silence, et leurs lecteurs, qui tiennent à être informés.
Jamie Irving est président du conseil d’administration et Paul Deegan est président et chef de la direction de Médias d’info Canada.
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